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Brexit : Theresa May regagne (un peu) d’autorité face aux députés britanniques

Brexit : Theresa May regagne (un peu) d’autorité face aux députés britanniques

Elle a gagné. Un peu de temps, un peu d’espace, un tout petit peu d’autorité. Le foisonnement de gestes diplomatiques engagés par Londres la semaine dernière juste avant le conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles a porté ses fruits. Theresa May a pu se présenter lundi devant les députés de la Chambre des Communes la tête haute. Et prétendre que le conseil européen a été l’occasion de constater qu’un «nouvel élan» a été donné aux négociations sur le Brexit, grâce à son discours prononcé fin septembre à Florence. Devant tous les râleurs du parlement britannique, les Brexiters hystériques, les Remainers désolés, les paumés épuisés, la Première ministre britannique s’est dite «ambitieuse et confiante sur le fait que ces négociations»avanceront largement d’ici le prochain conseil européen le 14 décembre prochain.

Elle sait pourtant, comme son gouvernement, l’opposition travailliste et les Vingt-Sept Européens savent, que le chantier de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est à peine entamé. Et que les travaux à venir seront «extrêmement complexes». Après tout, le conseil européen a bien conclu que les progrès sur la première phase des négociations n’avaient «pas été suffisants» pour entamer la seconde phase sur la relation future, notamment commerciale, post-Brexit. Mais, le fait que les Vingt-Sept se soient dits prêts à entamer, entre eux, des discussions sur les futures relations commerciales est interprété par Theresa May comme un signe très positif de bonne volonté. Et c’est tout ce dont elle avait besoin pour revenir devant ses troupes et l’opinion publique.

Rumeurs et jeux politiques

La volonté des Européens de lui apporter un, petit, coup de pouce, a été confirmée ce lundi par les déclarations du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Des fuites, non sourcées, sur le dîner de lundi dernier entre Juncker, Michel Barnier et Theresa May et David Davis ont été publiées dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ). Elles font état, d’un point de vue européen, d’une Première ministre «épuisée, anxieuse et sans ressort».

Jean-Claude Juncker a, de manière catégorique, démenti ces impressions. «Rien de tout cela n’est vrai. Nous avons eu un dîner de travail excellent avec Theresa May. Elle était en bonne forme, elle n’était pas fatiguée, elle était combative, comme c’est son devoir», a-t-il déclaré. Poussé par un journaliste britannique qui lui demandait si la Première ministre britannique avait «supplié pour qu’on l’aide», le président de la Commission a eu un petit sourire narquois avant de répondre : «ce n’est pas le genre des Premiers ministres britanniques».

Le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a renchéri en affirmant que la Commission travaillait à un «Brexit équitable» et n’avait pas de «temps à perdre en rumeurs». Il a même laissé entendre que les auteurs des fuites pourraient se trouver outre-Manche. «Certaines personnes aiment nous viser pour servir leurs propres priorités politiques», a-t-il dit, «nous apprécierions si ces personnes nous laissaient en paix». Une proportion, petite mais très virulente, du parti conservateur britannique ne cache pas son appétit pour un échec des négociations et une sortie du Royaume-Uni de l’UE sans accord.

L’incertitude pèse sur l’économie

Paradoxalement, Theresa May a également été soutenue par une lettre ouverte, parue lundi, des cinq plus importants groupes de lobbying d’affaires britanniques. La Confédération de l’Industrie britannique (CBI), le groupe des Chambres de commerce britanniques, la Fédération des petites entreprises, l’Organisation des manufactures (EEF) et l’Institut des directeurs (IFD) ont ainsi appelé David Davis, ministre en charge du Brexit, à conclure «au plus vite» les négociations sur une période de transition après la sortie officielle de l’Union européenne, prévue en mars 2019. «L’incertitude» de la situation commence à avoir des impacts sérieux sur l’économie britannique et «ralentit notamment les investissements», souligne ainsi le EEF après un sondage réalisé par ses services.

«Les sociétés s’apprêtent à prendre des décisions graves au début 2018 qui auront des conséquences sur les emplois et les investissements au Royaume-Uni», prévient la lettre. La semaine dernière, le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, a, dans un tweet ironique, indiqué qu’il allait «passer beaucoup plus de temps» à Francfort, laissant entendre que la banque d’investissement américaine pourrait y transférer depuis Londres une partie de ses activités.

Lundi soir, le ministre en charge de la sortie de l’Union européenne, David Davis, devait dîner à Paris avec le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. A Londres, Paris est perçue, avec Berlin, comme un gros frein dans l’avancée des discussions, notamment autour de la question du règlement financier de la sortie britannique de l’UE. Theresa May s’est engagée à régler les paiements en cours du budget européen (appelés le RAP, le reste à payer), qui court jusqu’à 2020, soit environ 20 milliards d’euros. Mais elle a aussi promis de respecter d’autres engagements financiers, «qui sont complexes et examinés ligne par ligne», a-t-elle dit.

Officiellement, le montant de ces autres paiements n’a pas encore été évalué. Normalement, cet aspect des négociations devrait être réglé avant le passage à la phase deux des négociations sur les relations commerciales. Londres souhaite que la question financière ne soit totalement réglée qu’au moment de l’accord final sur le Brexit.

Jonathan PIRIOU

octobre 23rd, 2017

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