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L’Europe tente l’atterrissage en douceur sur Mars

L’Europe tente l’atterrissage en douceur sur Mars

Dans le cadre de la mission Exomars, un petit engin nommé Schiaparelli va expérimenter cet après-midi la délicate procédure d'«entrée, descente et atterrissage» sur la planète rouge avant qu'on y envoie un rover en 2020.A force de lire les exploits de Curiosity et d’Opportunity, les deux rovers (on est censé dire «astromobiles» en français) qui roulent sur Mars et multiplient les découvertes géologiques, on finirait presque par croire que c’est facile, d’envoyer des robots sur la planète rouge. Mais seuls les Américains y sont arrivés jusqu’à présent… L’Agence spatiale européenne (ESA) va tenter aujourd’hui de prendre la relève, en y faisant atterrir sans encombre et en douceur un petit engin nommé Schiaparelli. Il n’aura pas le temps de faire beaucoup de mesures avant de s’éteindre, mais la simple démonstration des techniques d’atterrissage (si ça marche !) validera les compétences européennes et permettra d’enclencher la deuxième phase du programme Exomars : envoyer en 2020, avec la collaboration des Russes, notre propre rover.

Mars, territoire américain

Les Soviétiques ont pourtant donné tout ce qu’ils avaient pour débarquer sur Mars en premier, mais il faut croire qu’ils ont eu la poisse. La première tentative a eu lieu le 27 novembre 1971, quand la sonde Mars 2 a lâché un petit atterrisseur… qui s’est écrasé au sol. Problème de parachutes. Son jumeau, Mars 3, arrivé quasi simultanément, a eu plus de chance et a correctement atterri en douceur, sans casse. Mais il ne s’est pas écoulé quinze secondes avant que l’on perde le contact avec lui. L’atterrisseur soviétique a eu à peine le temps de prendre une photo, une affreuse bouillie de pixels sans doute due à une tempête de sable.Les Russes ont retenté leur chance en 1974, puis en 1988 et en 1996, sans plus de succès. Finalement, c’est l’Américain Viking 1 qui a réussi le premier à s’installer durablement sur le sol martien, le 20 juillet 1976. Du côté européen, on a bien essayé de faire atterrir le petit Beagle 2en 2003, mais il n’a plus donné signe de vie après son entrée dans l’atmosphère. Peut-être s’est-il posé, mais sans réussir à se déployer…

L’Europe contre-attaque

La mission Exomars marque donc le grand retour de l’Europe et de la Russie dans l’exploration de la surface martienne. Au départ, c’est la Nasa qui devait accompagner les Européens, mais des restrictions budgétaires ont poussé les Américains à abandonner le projet, et l’ESA s’est tournée en 2012 vers Roscosmos, l’agence spatiale russe, pour signer un nouveau partenariat.

Les Russes se chargeront de faire atterrir le rover en 2020, pour la deuxième partie de la mission, mais ont aussi cofabriqué le satellite Trace Gas Orbiter (nom de code TGO) et l’ont lancé à bord de leur fusée Proton, accompagné de l’atterrisseur Schiaparelli, en mars de cette année.Les deux engins spatiaux ont fait un voyage relativement rapide vers Mars (sept mois seulement) et sont arrivés dans le voisinage de la planète rouge la semaine dernière. La «séparation» a eu lieu dimanche : TGO a largué l’atterrisseur vers la surface martienne, et continue pour sa part à effectuer de délicates manœuvres pour se placer dans une orbite bien stable et circulaire autour de Mars. Il va encore s’écouler un an avant que TGO ne commence réellement à travailler pour analyser l’atmosphère martienne, et particulièrement son méthane (dont la quantité varie selon les saisons, et qui est très intéressant car souvent signe d’activité biologique sur Terre). La sonde servira aussi de relais de communication pour le rover d’Exomars à partir de 2020

Atterrissage 

Quant à l’atterrisseur Schiaparelli, scientifiquement nommé «Module démonstrateur d’entrée, descente et atterrissage» (EDM), il réduit progressivement son altitude depuis trois jours et devrait pénétrer l’atmosphère martienne à 16 h 42. Comme elle est très ténue, beaucoup moins épaisse que sur Terre, les efforts à déployer seront considérables pour freiner la chute de Schiaparelli. La bestiole arrive tout de même à 21 000 km/h…Pour ne pas le voir flamber, la première étape est de protéger l’atterrisseur avec un bouclier thermique, sorte de capsule métallique très résistante à la chaleur. Quand Schiaparelli sera ralenti à 1 650 km/h environ, aux alentours de 11 kilomètres d’altitude, il déploiera un gigantesque parachute pour mettre un nouveau coup de frein. A 7 kilomètres d’altitude, le bouclier thermique doit se détacher et tomber. Schiaparelli allumera alors son altimètre et son vélocimètre pour évaluer sa position et sa vitesse par rapport au sol. Il a besoin de données précises pour régler la puissance de ses rétrofusées, avant-dernier outil de son atterrissage en douceur.Grâce au parachute, Schiaparelli ne foncera plus qu’à 270 km/h vers la surface de Mars. C’est à ce moment qu’il doit allumer ses petits moteurs-fusées pour décélérer encore jusqu’à 5 km/h environ. Quand cette vitesse très raisonnable sera atteinte, il devrait lui rester deux mètres seulement à parcourir avant le contact au sol. Les rétrofusées s’éteindront, Schiaparelli sera en chute libre. Il regagnera un poil de vitesse mais ne devrait pas dépasser 11 km/h quand il touchera terre. La dernière précaution prévue est une structure «écrasable», fixée sous l’atterrisseur, qui jouera l’amortisseur. L’ensemble de la procédure ne dure que six minutes. A la fin, il sera 16 h 48 en France.

Une durée de vie réduite

Une fois sur place, Schiaparelli ne va pas s’éterniser : il aura fait ses preuves et ce qui reste de sa batterie ne durera que quelques jours au maximum. Il va donc se contenter de faire des rapides mesures du vent, de l’humidité ambiante, de la pression atmosphérique et de la température, comme une brave station météo. Mais l’instrument Dreams(Dust Characterisation, Risk Assessment, and Environment Analyser on the Martian Surface, ils ont toujours de chouettes acronymes dans l’astronautique) jettera aussi un œil à la transparence de l’atmosphère, ce qui devrait être intéressant vu qu’on est dans la saison des tempêtes de sable, et aux champs électriques qui la traversent (grâce à un capteur partiellement français).

Le suivi en direct

L’Agence spatiale européenne commencera à suivre la progression de Schiaparelli à partir de 15 heures, quand l’atterrisseur enverra ses premières nouvelles. «Le signal sera sans doute très faible, explique l’ingénieur britannique Thomas Ormston sur le blog de l’ESA, car Schiaparelli n’a jamais été conçu pour transmettre des données directement jusqu’à la Terre. Son suivi via le radiotélescope indien GMRT est en quelque sorte une expérimentation. On a pu recevoir de cette manière un faible signal durant la séparation entre Schiaparelli et TGO, ce qui nous laisse espérer que nous verrons l’atterrissage en temps réel. Mais il y a beaucoup de facteurs, comme l’orientation de la sonde, qui pourraient empêcher la réception du signal par GMRT.»Dans tous les cas, il y aura au moins 9 minutes et 47 secondes de décalage dans la transmission des informations, le temps que les ondes viennent de Mars à la Terre à la vitesse de la lumière. Mais si l’on ne peut pas compter sur la liaison directe avec la petite antenne de Schiaparelli, il faudra compter sur le satellite européen Mars Express, en orbite martienne depuis 2003, pour faire le relais. Il a l’habitude : sa radio est fréquemment utilisée pour causer avec les rovers américains Opportunity et Curiosity. «Le seul inconvénient, c’est que Mars Express doit pointer ses antennes vers Mars pour enregistrer le signal, puis se tourner vers la Terre pour diffuser l’enregistrement qui sera transféré au centre de contrôle à Darmstadt, en Allemagne.» Le temps de traiter les données, on n’aura la confirmation que tout s’est bien passé, dans ce cas, qu’une heure et demie après l’atterrissage. La sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter donnera elle aussi un coup de main, en tendant l’oreille quand elle passera au-dessus de Schiaparelli, deux heures après son arrivée.Bien sûr, le satellite TGO fraîchement arrivé sur Mars est aussi calibré pour communiquer avec Schiaparelli, et saura même mieux comprendre ses données que Mars Express. Mais comme le rappelle l’ingénieur Thomas Ormston, «TGO sera un peu occupé par sa propre manœuvre d’entrée en orbite, et ne pourra pas envoyer ces informations vers la Terre avant le 20 octobre».

Bref, on va essayer de suivre l’événement en direct mais rien n’est garanti, néanmoins on aura une confirmation certaine une heure et demie et deux heures après le contact et, demain matin, on recevra le compte rendu détaillé de TGO.

Après, quand Schiaparelli sera posé, il fonctionnera un quart d’heure pour nous raconter comment ça s’est passé et donner ses premières impressions de Mars. Puis il éteindra sa batterie et se mettra en veille, ne se rallumant qu’à certaines heures préprogrammées pour correspondre aux passages de sondes américaines qui relaieront ses ondes vers la Terre.

Il ne reste plus qu’à se brancher sur la télé de l’ESA à partir de 15 heures, et croiser les doigts.

Jonathan PIRIOU

octobre 19th, 2016

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