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Armel Le Cléac’h, le marin aux deux visages

Armel Le Cléac’h, le marin aux deux visages

Au quotidien, Armel Le Cléac'h est l'inverse de ce qu'il est en mer selon ses proches. Portrait du vainqueur du Vendée Globe 2016.

«Il y a dix ans, quand il nous a annoncé qu'il allait faire le Vendée Globe, ça a été un choc, il a fallu s'y préparer !» Jean-Gabriel, le père d'Armel Le Cléac'h, en a pourtant vu d'autres. C'est lui, le plaisancier, qui a transmis sa passion de la voile au fiston. «Il n'a pas vraiment eu le choix, sourit-il. Pendant les vacances, on embarquait toute la famille, direction l'Irlande ou les Scilly.» Armel, le touche-à-tout qui, petit, jouait au football et au tennis de table, se pique vite au jeu.Une première régate à 9 ans le long des côtes du Finistère natal, la voie olympique en 420, avant les courses en solitaire. «Pour mes parents, c'était passe ton bac d'abord !» se souvient Armel, qui finira par intégrer une école d'ingénieur à Rennes. Sur l'eau, il excelle. «En 2000, on a fait notre première solitaire du Figaro, la même année, raconte Erwan Tabarly. Lui avait fini premier bizut. Dès le début, il a montré que c'était un bon !»

Un bosseur, préparé et pudique

Le Cléac'h, le Breton, né à Saint-Pol-de-Léon, rêve de grand large. «Son objectif était de gagner le Vendée Globe, raconte le paternel. Il m'avait dit : Un premier pour voir, un deuxième pour essayer de gagner…» La troisième tentative aura été la bonne. «Il savait que, s'il se lançait dans cette course, c'était forcément pour la remporter un jour, souligne Gildas, son kinésithérapeute et meilleur ami. Armel fait partie de cette nouvelle génération de marins qui recherchent la performance dans tous les domaines.»

«C'est un bosseur qui ne laisse pas trop de place au hasard, poursuit Erwan Tabarly. Il est préparé mentalement, physiquement, techniquement…» Certains lui reprochent une certaine froideur. «Il est surtout pudique», défend le neveu d'Eric Tabarly. «On lui dit pourtant qu'il faut se lâcher, mais que voulez-vous ?» se marre Gildas Coadou. Lui, le meilleur pote, connaît l'autre facette du marin. «Dans la vie de tous les jours, il est l'inverse de ce qu'il est sur l'eau, poursuit-il. Armel est quelqu'un de super drôle qui, une fois qu'il a quitté son bateau, n'est ni un bricoleur ni un grand aventurier !»

Fan de Martin Fourcade et de «Star Wars»

Gildas raconte ainsi les vacances entre amis. «Une semaine dans la maison de mes parents à Lampaul-Plouarzel (Finistère), à 10 m de la plage, pour aller pêcher, une autre en Corse. Ah, la Corse ! Avant chaque Vendée Globe, c'est le passage obligé, un peu comme le restaurant japonais où il faut aller avant chaque départ de course. Et c'est lui qui choisit !» Armel serait-il un brin superstitieux ? «J'ai un petit rituel, à chaque passage de l'équateur, je trinque avec Neptune, avoue le skippeur. Et avec du Champagne ! Il y a quelques années, j'avais trinqué au Coca, résultat j'avais démâté trois jours après !»C'est quelqu'un de cartésien, un type organisé qui ne doute jamais», assure Erwan Tabarly. «Et c'est un acharné, insiste Gildas. Il y a cinq ans, on s'est lancé dans le golf, j'ai un peu décroché, lui est à fond ! C'est un vrai passionné de sports, et notamment du biathlète Martin Fourcade. Il me le cite régulièrement en exemple.» Armel, fan du «Seigneur des anneaux» et de «Star Wars» — il a d'ailleurs surnommé son rival Alex Thomson «Dark Vador» ! — est surtout un papa attentionné. «La famille, c'est sa priorité, note Gildas. Avant le départ du Vendée Globe, alors que la pression commençait à monter, il tenait à merveille son rôle de père, c'était épatant et touchant.» «La naissance de mes enfants (Louise a 9 ans, Edgar 5 ans) a modifié ma façon de naviguer, assure le marin. Au début de ma carrière, j'étais foufou, désormais je réfléchis aux conséquences qu'un accident pourrait avoir.»

Humour, humanité et humilité

Armel Le Cléac'h ne parle que rarement de ses peurs. «On vit des moments durs en mer, mais personne ne nous force à y aller», justifie-t-il. Un jour, il est passé près de la catastrophe. «En 2005, on a chaviré lors de la Transat Jacques Vabre, il faisait nuit, avec des creux de 5 m, mon équipier s'en est sorti par miracle. Je ne sais même pas si on a vraiment peur dans ces moments-là. Moi, j'ai surtout peur pour les autres. Il y a huit ans, avec Vincent Riou, nous avons été déroutés pour porter assistance à Jean Le Cam. En arrivant sur zone, on ne savait pas s'il était vivant. Ce jour-là, j'ai vraiment angoissé.»

«Humour, humanité et humilité, voici ce qui résume Armel, insiste Gildas Coadou. Armel est un éternel optimiste qui a une solution à tous les problèmes.» «Au premier abord, il faut briser la glace, mais il émane de ce type un truc incroyable, juge le navigateur Thomas Coville. Armel Le Cléac'h gère sa course, ses émotions, avec une intelligence rare…»

Jonathan PIRIOU

janvier 20th, 2017

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